doom scrolling

Je vous écris depuis mon lit d’hôpital…

Rassurez-vous, tout va bien ! Mais c’est effectivement à l’occasion d’une intervention, prévue et sans gravité, que je me suis interrogé sur une forme d’exhibitionnisme qui règne sur les réseaux sociaux, on le savait, mais plus surprenant, désormais sur LinkedIn. A l’inverse, le phénomène de voyeurisme malsain que j’ai tenté d’illustrer ici, est étudié depuis longtemps par des chercheurs en neurosciences… et les développeurs d’algorithmes. Il a des causes et des conséquences inattendues et a été surnommé le « doomscrolling » (scrolling macabre). Explications.

 

Le Doomscrolling sur LinkedIn : comprendre ses causes et ses impacts sur l’image de marque

L’avez-vous également remarqué ? LinkedIn s’est transformé en un espace où la frontière entre vie professionnelle et vie privée devient de plus en plus ténue. Le phénomène du doomscrolling — ce défilement compulsif et parfois anxiogène de contenus que subissent de plein fouet les digital natives— est au cœur de cette évolution, influençant la manière dont nous partageons nos expériences personnelles sur un réseau professionnel.
Or, la qualité des contenus, leur portée intellectuelle et les informations transmises parlent aussi de notre pratique professionnelle.

Pourquoi le doomscrolling s’installe-t-il sur LinkedIn ? Une analyse des causes profondes de ce nouveau phénomène

Le doomscrolling est motivé par une combinaison complexe de facteurs psychologiques, cognitifs, sociaux et environnementaux :

Facteurs psychologiques et cognitifs

  • Biais de négativité : notre cerveau est naturellement programmé pour prêter plus d’attention aux informations négatives ou menaçantes, un mécanisme de survie hérité qui nous pousse à scruter les menaces potentielles.
  • Recherche de contrôle : face à l’incertitude ou à un sentiment d’impuissance, consulter sans cesse des informations, même négatives, donne l’illusion de mieux comprendre ou de se préparer à la situation, bien que cela puisse accroître l’anxiété.
  • Évasion cognitive : le doomscrolling peut servir à détourner l’attention de ses propres émotions négatives en se focalisant sur des événements extérieurs, créant une forme d’échappatoire temporaire mais illusoire.
  • Habitude et addiction : ce comportement peut devenir un cycle de dépendance, renforcé par la libération de substances chimiques dans le cerveau (comme la dopamine), qui incite à continuer malgré les effets négatifs.

Facteurs environnementaux et sociaux

  • Périodes de crise : en temps de crise (sanitaire, économique, politique) comme actuellement, le besoin compulsif de s’informer sur les menaces potentielles augmente fortement.
  • Disponibilité constante de l’information : l’accès immédiat et continu aux réseaux sociaux et aux flux d’actualités, souvent chargés de contenus négatifs, rend le doomscrolling presque inévitable. Importé des réseaux personnels Facebook, Instagram et surtout TikTok, la pratique apparaît peu à peu sur LinkedIn.
  • Peur de manquer quelque chose (FOMO = Fear Of Missing Out) : la crainte de rater une information importante pousse à vérifier fréquemment les mises à jour, renforçant ainsi la spirale infernale.

Le lien avec la divulgation de l’intimité sur LinkedIn

Cette dynamique du doomscrolling favorise par effet miroir la divulgation accrue d’éléments personnels sur LinkedIn. Dans un contexte où l’authenticité est valorisée, les utilisateurs partagent davantage leurs défis, émotions et expériences intimes. Cela répond à un besoin de connexion humaine et de soutien, mais soulève aussi des questions importantes :


Jusqu’où peut-on aller sans compromettre son image professionnelle ?

Comment ces partages influencent-ils la perception des recruteurs, clients et partenaires ?

Les exemples qui m’ont inspiré ces réflexions relèvent plus de la faute de goût ou de la maladresse en matière de communication B2B, mais il est indéniable qu’un glissement s’opère sur ce réseau professionnel quand on en vient à faire un parallèle entre monter une étagère suédoise le week-end et sa vie d’entrepreneur, à évoquer sa grossesse ou son anniversaire de mariage, à ne parler que de soi et non de ses clients ou de ses réussites professionnelles, ou encore à se victimiser selon son âge, son genre ou sa couleur de peau, même si la discrimination existe, nul ne peut le nier.
Chacun se veut désormais « inspirant » et chaque anecdote personnelle est prétexte à des tirades philosophiques sur l’entrepreneuriat. Alors certes, on compose son feed en fonction des personnes que l’on juge intéressantes, mais svp, épargnez-nous !

Conséquences sur l’image de marque personnelle et d’entreprise

Une divulgation mal maîtrisée peut entraîner une dilution de la crédibilité professionnelle : l’attention peut se détourner des compétences et des réalisations vers des aspects personnels que l’on jugera trop intimes.

Egalement, cela peut donner le sentiment d’un manque de professionnalisme. Certains contenus peuvent être perçus comme inappropriés dans un cadre professionnel.
Enfin, un impact certain sur la marque employeur : les collaborateurs ou dirigeants sont des ambassadeurs de leur entreprise. Leur communication personnelle peut affecter l’image globale de l’organisation.
Et comme disait ma grand-mère, il vaut mieux faire envie que pitié !

Trouver l’équilibre entre authenticité et professionnalisme

Pour tirer parti des bénéfices de l’authenticité tout en protégeant son image, il est crucial de définir clairement ses limites personnelles sur ce que l’on partage. C’est ce que l’on appelle la ligne éditoriale. Il est crucial d’adapter le contenu au contexte professionnel et d’être conscient de l’impact à long terme de chaque publication.

Le doomscrolling sur LinkedIn est un phénomène révélateur des tensions entre un besoin d’authenticité, l’anxiété collective et les exigences professionnelles. Comprendre ses causes profondes nous aide à mieux gérer notre communication, pour humaniser nos profils sans compromettre notre image de marque professionnelle…. et gêner certains de nos lecteurs !